Par Fabrice Hamon le 3 mai 2023
La crise du crédit immobilier en particulier est une crise du crédit en général. Le crédit immobilier n’est qu’une partie d’un marché du crédit plus global.
Le crédit c’est bien plus que le crédit immobilier.
Non pas qu’il faille relativiser la crise du crédit immobilier que nous connaissons actuellement, un resserrement net initié en juillet 2022, lorsque la Banque Centrale Européenne a rehaussé une première fois ses taux directeurs, alors qu’ils étaient à 0% depuis dix ans !
Mais il est important de comprendre que le crédit immobilier n’est qu’une partie d’un système de crédit plus vaste, que nous vivons une crise plus large du crédit en général.
Aussi, lorsqu’Olivier Klein, Ministre du Logement, déclare que « les banques sont trop prudentes » et les incite à l’être moins, il parle comme si le crédit immobilier était le seul financement distribué par les banques.
Comme si la hausse des taux d’intérêts ne frappait de plein fouet que le marché immobilier alors qu’elle complique le financement de tous les secteurs d’activité.
Comme si les prêteurs n’étaient pas eux-mêmes des emprunteurs sur le marché du financement, les banques achetant actuellement au prix fort l’argent qu’elles revendent.
Comme si les banques n’étaient pas dangereusement exposées en ce moment à un risque de crédit accru sur tous les types de crédits distribués, autrement dit à un risque globalisé de défauts de paiements.
Comme si les conditions d’octroi n’avaient pas déjà été bridées et rendues plus prudentes par les limitations de taux d’endettement et de durée de prêt dictées par le HCSF, Haut Conseil de Stabilité Financière, organe de la Banque de France.
Comme si la tarification des banques françaises n’était pas sous l’influence de la politique de taux directeurs de la Banque Centrale Européenne, contrainte elle-même par le taux d’inflation, influenceur majeur des taux d’intérêts.
Comme si, enfin, la BCE était souveraine, sans l’influence des autres Banques Centrales ni la pression des marchés financiers, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.
Le crédit immobilier fait partie d’un marché économique global et s’inscrit dans le cadre plus large du marché du financement.
Ce marché du financement englobe diverses sources de financement pour les particuliers, les entreprises et les gouvernements.
Tantôt l’argent disponible est abondant, tantôt il est rare ; actuellement il se raréfie, partout il se contracte. Les banques prêtent moins : à moins d’emprunteurs et moins d’argent à chacun.
Si les emprunteurs pour un projet immobilier sont moins nombreux, c’est parce que le levier du crédit manque pour tous les types de projet. En d’autres termes, si le crédit n’irrigue plus le marché immobilier, c’est parce qu’il n’afflue plus sur aucun marché. Les taux ont augmenté pour tous les emprunteurs, pas seulement pour les porteurs d’un projet immobilier.
Si emprunter coûte plus cher, c’est parce que prêter coûte plus cher également, beaucoup plus cher qu’avant. L’argent est abondant lorsqu’il est bon marché, autant pour l’emprunteur que pour le prêteur. L’argent est rationné lorsqu’il est plus cher, autant pour le prêteur que pour l’emprunteur.
Plus l’argent est cher, moins il est demandé, moins il est emprunté, moins il est prêté, moins il est distribué. Moins d’emprunteurs pourront rembourser des mensualités plus élevées ; moins de prêteurs accepteront de financer alors que le risque est plus élevé que ses prêts ne soient pas remboursés.
N’oublions jamais qu’une banque a deux prêts à considérer : celui qu’on lui demande et celui qu’elle a déjà accordé. Les encours et les futurs crédits. En face, l’emprunt qu’elle va souscrire elle-même et celui qu’elle a déjà souscrit pour prêter, auprès des banques centrales, sur le marché inter-bancaire ou sur les marchés financiers.
Un prêt immobilier long terme par exemple, pour lequel elle a en outre emprunté ou va emprunter sur du court terme, avec une marge entre les deux taux qui sera variable sur toute la durée du prêt. Une marge imprévisible à laquelle la banque doit ajouter le risque d’un nombre de défauts de paiements trop important, ce qui est plus probable lorsque les taux sont plus élevés.
Les crédits immobiliers ne bénéficient pas d’un taux à part, indépendant du marché des taux ni du risque de crédit, sur lequel une banque aurait toute latitude en fonction du volume des dépôts qu’elle détient. Tout l’argent déposé sur ses comptes, toute l’épargne collectée, ne suffisent pas à satisfaire les besoins en financement de ses clients, d’autant moins qu’elles doivent prévoir de faire face à l’hypothèse d’un retrait massif de ses déposants, soit parce qu’ils paniquent, soit parce qu’ils ont trouvé ailleurs un meilleur rendement.
Nous voyons à quel point faire crédit est une opération complexe qui ne dépend pas d’un seul type d’actif à financer, par exemple un bien immobilier. Le crédit immobilier fait partie d’un tout, qui l’infléchit grandement, bien qu’elle en soit un élément constituant important.
Le financement immobilier fait partie d’un marché du financement plus vaste, appelé marché du crédit ou marché financier.
Le marché du financement englobe l’ensemble des activités, des institutions et des mécanismes qui permettent de mettre en relation les agents économiques ayant des besoins de financement, les emprunteurs, avec ceux disposant de capitaux à investir, les prêteurs.
Le financement immobilier est une composante importante de ce marché, car il permet aux particuliers, aux entreprises et aux institutions d’acquérir, de construire ou de rénover des biens immobiliers. Il comprend des prêts hypothécaires, des crédits-baux immobiliers, des prêts immobiliers commerciaux et des financements de projets immobiliers.
La distribution des crédits immobiliers fait partie d’un marché du financement plus vaste pour plusieurs raisons :
Nous le voyons, le financement immobilier est tout aussi influent qu’il est influencé. Nous voyons surtout qu’il est une énorme goutte dans un énorme océan.
Il est un élément clé du marché global du financement en raison de son interconnexion avec d’autres segments de marché et de son impact économique. Mais il n’est qu’un élément dépendant des politiques monétaires et réglementaires qui l’influencent directement en même temps qu’il ne tient qu’un rôle secondaire dans la gestion des risques et la diversification des investissements.
Les interdépendances entre les différents types de crédits, les acteurs du marché et les mécanismes de régulation soulignent l’importance de considérer le crédit immobilier comme faisant partie intégrante d’un marché plus vaste, animé par une multitude de corrélations.
Le crédit immobilier est effectivement intégré dans un marché économique global et plus spécifiquement dans un marché global du financement. L’argent qui lui est alloué subit les mêmes compressions que l’ensemble des autres marchés, tout aussi gourmands.
Il subit les mêmes restrictions, de même qu’il bénéficia comme les autres de financements abondants, lorsque les taux directeurs étaient à 0% et les taux d’intérêts à 1%. L’argent ne coulait pas à flots, il pleuvait à torrents !
Digue refermée l’été dernier. Le fleuve est aujourd’hui asséché. Cela signifie qu’il n’y a plus assez d’argent pour tout le monde et beaucoup moins pour chacun. Au temps de l’argent gratuit, c’est comme si les poches des uns se vidaient à volonté pour remplir les poches des autres à leur guise. Il semblait même qu’il n’y avait pas assez de bouches à nourrir ! Aujourd’hui il y en a trop.
L’argent s’est raréfié ; le liquide s’est évaporé ; l’offre et la demande de crédits se sont volatilisées.
La crise actuelle du crédit immobilier doit donc être analysée dans ce contexte d’une crise plus large du crédit en général.
La crise du crédit immobilier est souvent associée à des bulles immobilières, des prêts hypothécaires à risque et des pratiques de prêt laxistes qui ont conduit à des défauts de paiement et à des saisies.
Toutefois, ces problèmes ne sont pas isolés au marché immobilier et peuvent être liés à des problèmes plus globaux dans le système de crédit. Le crédit immobilier fait partie du système.
Aussi, quand se présente une crise du crédit immobilier, il s’ensuit une crise systémique du crédit ; quand se présente une crise systémique du crédit, il s’ensuit une crise du crédit immobilier. Pour ainsi dire : c’est systématique !
Une crise systémique du crédit est une situation où l’ensemble du système financier est menacé par une défaillance généralisée des prêts, des prêteurs et des emprunteurs. Elle se caractérise par un manque de confiance entre les institutions financières, une augmentation massive des défauts de paiement et une contraction du crédit disponible.
Elle naît de l’apparition - ou de la crainte - d’un endettement excessif. Lorsque les emprunteurs, y compris les ménages et les entreprises, sont excessivement endettés, cela augmente logiquement le risque de défaut de paiement. Si un grand nombre d’emprunteurs ne sont plus en mesure de rembourser leurs dettes, cela peut provoquer une crise systémique du crédit.
La défaillance d’une institution financière majeure, celle d’une grande banque par exemple, peut aussi entraîner une perte de confiance dans le système financier et provoquer un effet domino, où d’autres institutions financières rencontrent ou se découvrent également des problèmes de solvabilité et de liquidité.
Pour prévenir et gérer les crises systémiques du crédit, les gouvernements et les banques centrales peuvent réagir très vite, comme ce fut le cas dernièrement suite à l’éclatement de la Silicon Valley Bank, pour éviter une contamination aux autres banques. Elles peuvent réagir plus lentement et profondément, mettant en place des politiques macroprudentielles, des régulations financières plus strictes et des mécanismes de surveillance.
Les facteurs qui peuvent contribuer à une crise systémique du crédit sont nombreux :
Tous ces facteurs peuvent interagir et se renforcer mutuellement, créant un environnement où les problèmes du marché immobilier sont exacerbés par les problèmes plus larges du système de crédit.
Le crédit est un concept financier qui englobe bien plus que le crédit immobilier.
Le crédit immobilier lui-même n’est qu’un produit financier, un mode et un type de financement parmi de nombreux autres.
Faire crédit est un mécanisme par lequel une institution financière (comme une banque) prête de l’argent à un emprunteur (particulier ou entreprise) qui s’engage à rembourser la somme empruntée avec des intérêts.
Il existe plusieurs types de crédits, chacun ayant ses propres caractéristiques, conditions et objectifs.
Commençons par une liste des crédits qui nous sont les plus familiers.
À eux seuls, tous ces marchés sont considérables et suffisent à démontrer la diversité du crédit.
Et lorsque le marché du crédit immobilier est touché, ce sont en réalité tous ces marchés qui sont touchés, c’est le marché du crédit dans sa totalité qui est affecté, pas seulement la partie financement immobilier.
Une partie énorme en soi qui pourtant représente peu encore si on la compare maintenant à la masse d’argent prêtée via des véhicules qui cette fois nous sont beaucoup moins familiers.
Nous l’avons dit et redit, le crédit immobilier fait partie d’un marché économique global et plus spécifiquement d’un marché global du crédit.
Mais dans une ampleur que nous aurions du mal à imaginer ! Une ampleur telle que si nous en faisons une nouvelle liste d’ailleurs non exhaustive, nous nous figurerons mieux la nature systémique de la crise actuelle du crédit.
Jusqu’ici, nous nous sommes représentés le crédit comme un outil financier polyvalent qui permet de financer divers projets et besoins, que ce soit pour les particuliers, les entreprises ou les professionnels. Ce qui nous donne déjà une bonne idée de la grande variété de crédits disponibles sur le marché. Mais pour ainsi dire : rien de plus classique.
Il existe pourtant pléthore d’autres types de crédits qui bien que moins connus sont tout aussi courants, qu’ils soient régulièrement distribués par des banques ou tout aussi quotidiennement en dehors de toute intermédiation bancaire, parmi lesquels, par exemple, des financements appelés alternatifs.
Le crédit opère aussi sur les marchés financiers. Les prêts entre institutions financières ou acteurs financiers sont courants. Ici aussi l’argent circule beaucoup, sous de multiples formes, massivement, parfois très vite ; attention ça se complique !
Le crédit, ce n’est pas que les banques. Le financement alternatif, en dehors du système bancaire traditionnel, est aussi très puissant.
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