Faible baisse des prix immobiliers en 2023

Par Fabrice Hamon le 30 décembre 2022

Les banques sont optimistes ! Après le Crédit Agricole, c’est au tour du Groupe BPCE d’annoncer un marché immobilier à plus d’un million de ventes en 2023.

Les prix immobiliers vont-ils baisser ?

Les prix immobiliers dans l’ancien ne baisseront pas avant fin 2023 !

Telle est la prévision étonnante - d’aucuns diront invraisemblable - de l’Observatoire du Groupe BPCE (Banques Populaires Caisses d’Epargne), dans une étude publiée le 14 décembre, « Immobilier résidentiel : bilan et perspectives 2023 », présentée par Alain Tourdjman de la Direction Etudes & Prospective Pôle Finance et Stratégie.

Les prix immobiliers mettront du temps à baisser : les maisons et les appartements vont faire de la résistance, malgré l’assaut des taux de crédit immobilier. Ils ne déclineront qu’à partir du 4ème trimestre de l’année prochaine, pas avant 9 mois !

Ce qui va se passer est d’abord une baisse des ventes, ensuite une baisse des prix. Une baisse des prix décalée dans le temps que le groupe bancaire explique par l’inertie du marché immobilier.

L’inertie désigne la tendance de ce marché à se maintenir stable et à évoluer lentement, plutôt qu’à subir de grandes fluctuations de prix ou de volumes de transactions.

Autrement dit, le Groupe BPCE ne prévoit pas de krach immobilier en 2023 - ce que déclarait également le Crédit Agricole dans une étude datée du 7 décembre. Bien au contraire puisqu’à l’instar de la banque verte, les banques rouges et bleues pronostiquent qu’il y aura plus d’un million de ventes l’année prochaine !

1 million de logements vendus malgré une baisse de 10%, selon l’estimation de la BPCE - de 9% selon le Crédit Agricole. En effet, avec plus d’1.12 millions de transactions en 2022, nous aurons bel et bien plus d’un million de transactions en 2023 si le volume baisse de 10%.

Un millésime 2022 qui lui-même n’aura baissé que de 5% par rapport au grand cru de 2021, une année record à 1.2 millions de transactions qui faisait suite à la crise sanitaire. 2020 fut l’année des confinements. Une fois sortis de chez eux, les français ont couru les agences immobilières pour trouver un nouveau logement.

1 200 000 ventes en 2021, 1 100 000 ventes en 2022, 1 000 000 de ventes en 2023. Le volume baisse d’année en année, c’est indéniable, mais à des niveaux historiquement élevés !

Baisse des prix immobiliers de 2.5% fin 2023 !

Au regard de la faible activité depuis l’été dernier, on se demande comment elle pourrait retrouver du dynamisme durant les prochains mois…

Le marché immobilier est actuellement confronté à tant de difficultés !

Taux d’intérêt plus élevés ; conditions d’accès au crédit plus strictes ; pas de réforme du taux d’usure ; volumes de transactions en perte de vitesse ; négociations qui prennent plus de temps ; prise en compte croissante des contraintes liées à la performance énergétique des logements ; dégradation du moral des français en général, des candidats à un achat immobilier en particulier…

Tous ces éléments semblent indiquer une correction imminente des prix immobiliers. Surtout qu’ils ont encore nettement augmenté cette année, d’environ 6% sur l’ensemble du territoire, mais jusqu’à 8% dans les villes moyennes, grandes gagnantes d’une redistribution des cartes, de légères baisses de prix ayant déjà été observées à Paris et dans d’autres métropoles comme Lyon, Bordeaux ou Nantes.

Cependant rien qui détone encore si l’on observe froidement : pas de chute brutale des prix, pas de bond brutal des taux. En lieu et place un marché immobilier atone : peu d’activité, peu de transactions mais peu de variations de prix ainsi qu’une lente progression des taux.

Dans un marché atone, les prix sont souvent stables et il y a peu de mouvements de l’offre et de la demande. Cela peut être un signe que le marché est en passe de s’équilibrer ou bien que les acheteurs et les vendeurs sont peu enclins à prendre des risques. D’où un faible volume de ventes à cause d’une incertitude sur l’évolution des prix : peur d’acheter trop tôt, peur d’acheter trop tard.

Des acquéreurs arrêtés par la crainte d’acheter trop cher et l’espérance que les prix baissent, tiraillés entre le regret de l’époque des taux historiquement bas et l’urgence de saisir maintenant un taux qui menace d’être moins bon marché dans un mois voire une semaine.

Une hausse des taux qui met d’autant plus la pression que rien n’est moins sûr qu’un recul des prix qui compenserait la perte de budget. Car si la hausse des taux sera effectivement la cause principale de la baisse du volume de transactions, pour autant elle ne baissera pas drastiquement les prix dans l’ancien.

D’abord parce que le niveau relevé des taux réservera un accès aux emprunteurs aisés, capables d’augmenter leur apport personnel, permettant de maintenir le niveau actuel des prix immobiliers. Ce ne sont pas les vendeurs qui vont baisser leur prix, ce sont les acheteurs qui vont augmenter leur apport - ou bien leur endettement ou encore la durée du prêt.

Ensuite par un report de clientèle sur le marché de l’ancien, une crise profonde affectant le marché du neuf, dont l’offre est limitée et dont les prix augmentent.

Donc non seulement il faudra attendre un certain temps avant que les prix baissent, mais en outre ils baisseront peu : pas avant octobre 2023 et seulement de 2.5% !

Une faible baisse des prix immobiliers que la BPCE ne garantit même pas : « une baisse en glissement annuel de 2,5 % en fin 2023, même si en moyenne, le maintien d’une hausse est probable », prévient Alain Tourdjman.

Improbable que les prix s’écroulent, probable qu’ils se relèvent encore !

Taux de crédit immobilier à 3% fin 2023 !

Pour que les prix immobiliers s’effondrent sur le marché de l’ancien, il faudrait que les taux de crédit immobilier se hissent à 5 ou 6% !

Non seulement nous en sommes loin, mais nous ne les atteindrons pas, en tout cas pas en 2023, ne serait-ce que pour une raison très simple : la bride du taux d’usure, réévalué cette semaine à 3.5% par la Banque de France, pour les durées de prêt comprises entre 20 et 25 ans. Il remontera à 4% en avril prochain et nous parions qu’il ne bougera guère les trimestres suivants.

C’est pourquoi le Groupe BPCE écarte tout risque de krach immobilier en France : pour que les prix immobiliers baissent au minima de 20%, il faudrait en effet des taux immobiliers égaux ou supérieurs à 5%, autrement dit des taux d’usure proches de 6%, ce qui n’arrivera pas - son mode de calcul ne le permettra pas.

Et si le groupe bancaire prédit une faible baisse des prix, c’est justement parce qu’elle prédit aussi une faible hausse des taux !

Là encore à contre courant de l’opinion générale : la BPCE pronostique un 3.2% en moyenne sur 20 ans en taux nominal à la fin 2023 - soit un retour aux niveaux de 2014 - quand de nombreux observateurs misent plutôt sur un 4%.

Soulignons que ce scénario, crédible par ailleurs, appuie la thèse d’une stabilisation du marché l’année prochaine. Stabilisation des taux et stabilisation des prix. Plus précisément : d’une stabilisation des prix immobiliers en raison d’une normalisation des taux de crédit.

« Je pense qu’il faut oublier le 1% et s’habituer à un retour à une situation de référence où les taux d’emprunt prennent en compte les taux longs et la marge des banques », déclare Alain Tourdjman - en bon banquier.

Un marché qui se stabilise est un marché qui a tendance à se maintenir à un niveau relativement constant, sans grandes fluctuations, ne connaissant ni hausses ni baisses significatives. Cela signifie que les prix et les taux immobiliers ne varieront plus de manière significative et que les niveaux de demande et d’offre seront en équilibre.

Un marché qui se normalise, c’est un peu différent. Il y a comme un jugement de valeur dans cette formulation… Car une normalisation suppose une situation précédemment anormale - pas seulement instable.

En effet, lorsque les taux étaient à 1%, le marché n’en était pas moins stable : des taux aussi durablement au même niveau rendaient le marché tout à fait prévisible. Si les taux d’intérêt sont demain durablement à 3%, le marché sera tout aussi prévisible, ce qui est une bonne nouvelle naturellement, après une année 2022 caractérisée par de nombreuses perturbations, aussi rapides qu’inattendues.

La différence entre stabilisation et normalisation tient à ceci : des taux à 3% seront jugés plus normaux qu’à 1%. Autrement dit : l’argent n’est plus gratuit ; un crédit immobilier ça se mérite ! Sous entendu : un crédit ça se paye ! Autre sous-titre : on ne peut pas prêter à tout le monde, quitte à faire fi des primo-accédants. Mais laissons cela puisque manifestement ça n’intéresse plus les pouvoirs publics…

2023 sera donc l’année de la stabilisation des taux de crédit : un taux nominal de 3% sera la norme - soit un TAEG (taux annuel effectif global) inférieur à 4%. En tout cas tout le reste de l’année à partir du 1er avril, lorsque le taux d’usure dépassera effectivement les 4%.

Date à laquelle le marché immobilier sera relancé : une haute saison nous attend au printemps et les taux se maintiendront alors d’autant mieux autour de 3% qu’une très vive concurrence rejouera entre les banques.

En attendant, compte tenu du nouveau taux d’usure publié au Journal Officiel pour une entrée en vigueur le 1er janvier, valable jusqu’au 31 mars, les taux de crédit plafonneront à 2.90% durant tout le premier trimestre, un écart de 0.60 étant nécessaire pour loger l’assurance emprunteur, la prise de garantie et les frais annexes.

Or selon les banques, un taux normal c’est aussi un taux rentable. Avec des OAT 10 ans à plus de 3% et des taux directeurs relevés par la BCE à plus de 2%, les trois mois prochains seront marqués par des offres de prêt en édition limitée, que ne saisiront que les premiers arrivés, les emprunteurs qui demanderont un crédit immobilier en janvier.

Les français ont confiance en l’immobilier

Hausse soutenue des taux en 2022, hausse contenue en 2023.

Hausse modérée des taux couplée à une baisse modérée des prix immobiliers dans l’ancien, d’autant plus limitée que l’estimation de la BPCE tient compte de la dévalorisation des biens diagnostiqués F ou G en performance énergétique ; d’autant plus maintenue à des niveaux élevés que la raréfaction et la cherté des logements neufs feront basculer une grande part de la demande sur l’immobilier existant.

La perspective d’une faible baisse des prix et d’une faible hausse des taux peut paraître trop positive.

Cependant elle ne relève pas de la méthode Coué ! Cette perspective du groupe bancaire s’appuie sur une perception, celle des français eux-mêmes et c’est là le point capital.

L’immobilier est un actif et le levier d’Archimède de tout support d’investissement est la confiance des investisseurs.

Et le point d’appui du marché immobilier est une grande confiance en la pierre. C’est elle qui explique autant sa force d’inertie actuelle que son regain très prochainement.

C’est là en effet tout le paradoxe : « un moral dégradé sans perte de confiance », certainement la phrase la plus importante de l’étude de la BPCE.

Autrement dit, le moral n’est pas bon mais la confiance est là. Le présent est sombre ; un avenir meilleur n’en est pas moins assuré pour autant - parce que l’immobilier conserve la confiance des ménages.

« Jamais, depuis 2019, les ménages n’ont jugé aussi négativement la conjoncture immobilière. Seulement 16 % considèrent que le moment est favorable pour acheter quand 44 % sont d’un avis contraire. Toutefois, cette perception dégradée ne vaut pas perte de confiance et les Français continuent à penser majoritairement que les prix vont progresser cette année et ils placent l’immobilier au premier rang de leurs placements préférés. »

Stabilité des taux, stabilité des prix, stabilité des projets immobiliers également, perçus comme plus stables et plus sûrs que n’importe quel placement financier.

« On observe une relative stabilité des projets de vente », ajoute Alain Tourdjman, directeur des études économiques de BPCE. Côté acheteurs, « seulement un quart de ceux qui avaient un projet d’achat estime que la hausse des taux n’a pas eu d’impact sur leur projet, tandis que pour les autres : ¼ a renoncé, ¼ l’a reporté et ¼ l’a modifié ».

Les 3/4 projettent encore d’acheter malgré la conjoncture ! Ou pour mieux dire : les 3/4 projettent d’acheter justement parce que rien ne protège mieux d’une telle conjoncture que l’immobilier.

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