Par Fabrice Hamon le 15 juin 2022
Les professionnels du financement immobilier ont été entendus. Bercy étudie une révision du mode de calcul du taux d’usure pour débloquer l’accès au crédit.
Au sommet des marches qui donnent accès au crédit immobilier, il y a un plafond que crèvent de plus en plus de demandes de prêt. Ce plafond a un nom : le taux d’usure.
Les dossiers s’y cognent d’autant plus nombreux les uns après les autres que la forte poussée des taux immobiliers les jette de plus en plus vite au sommet.
La hausse des taux s’est fortement accélérée ce dernier trimestre, alors que le taux d’usure, lui, est impassiblement figé depuis le 1er avril. Conséquence : l’inertie du taux d’usure immobilise le marché.
Le taux d’usure va bouger le 1er juillet prochain ! Tout le monde attend…
L’urgence pourrait se résumer ainsi : les taux immobiliers sont actuellement comme des lapins qui courent derrière des taux d’usure qui avancent comme des escargots.
Ce lapin et cet escargot se frictionnent et à ce petit jeu-là, c’est bien l’escargot qui l’emporte à chaque fois !
Les professionnels du secteur immobilier demandent depuis longtemps une révision du mode de calcul du taux d’usure. Mais après six mois de hausse ininterrompue des taux immobiliers, le débat est intensément ravivé.
Le sujet du taux d’usure fut d’abord remis sur la table par les courtiers. Mais c’est la montée au créneau des banques elles-mêmes qui devrait changer la donne. Elles ont porté le dossier au ministère de l’économie où une rencontre a déjà eu lieu.
Que veulent les banques ? Les banques veulent regagner de l’argent sur le crédit immobilier. Elles veulent augmenter leurs taux. Pour ce faire, elles ont besoin d’une marge de manœuvre supérieure, que le taux d’usure actuel ne leur donne pas.
Quel sera le temps de réaction à Bercy ainsi qu’à la Banque de France ? Aurons-nous un taux d’usure nouveau dès le 1er juillet prochain ? Peut-être pas si vite mais il est probable que la validité du taux d’usure du troisième trimestre n’aura plus une durée de vie de trois mois.
Du moins s’il est réellement revu, les derniers propos nuancés de François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, étant propres à inquiéter les particuliers comme les professionnels : « nous n’avons pas aujourd’hui d’évidence aveuglante que, en particulier dans le cadre du secteur immobilier, cela se traduit par des évictions ».
L’exclusion de l’accès au crédit immobilier à cause du taux d’usure ne serait pas si évidente ! Le Gouverneur ajoute que ce sera donc aux pouvoirs publics « de voir s’il faut adapter les choses en la matière ou s’il s’agit juste d’un problème d’ajustement transitoire ». Réforme, révision, ajustement transitoire ? Peut-être rien.
Mais soyons optimistes, Bruno Le Maire se disant ouvert à « des solutions rapides » pour adapter le taux d’usure à la remontée des taux, à condition, naturellement, de « trouver un équilibre entre la protection des consommateurs et l’accès à la propriété ».
L’enjeu de la discussion menée actuellement entre les pouvoirs publics et les banques est de taille : 25% des demandes de prêt immobilier se heurtent au taux d’usure en ce moment, contre 5% l’année dernière seulement !
Cinq fois plus en un an, autant dire une hécatombe qui par ailleurs n’affecte qu’une catégorie unique d’emprunteurs, non pas les moins solvables mais les moins aisés.
Le constat est là : le taux d’usure protège si bien les emprunteurs qu’il leur a fermé la porte des prêteurs. Les banques attendent le mois prochain pour rouvrir grand - ou pas - le robinet du financement.
Le taux d’usure “correspond au taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils vous accordent un prêt”.
Ce taux maximum autorisé n’est pas le taux d’intérêt - taux nominal ou facial du prêt immobilier - mais le TAEG, le taux annuel effectif global du crédit, le taux tous frais compris.
Le taux d’intérêt que les banques communiquent dans leurs publicités n’est pas le prix final de l’argent. Le vrai prix de l’argent est en effet le TAEG, que les banques doivent communiquer dans l’offre de prêt. Le TAEG est capital puisqu’il est le seul taux qui permette de comparer les propositions bancaires, le taux d’intérêt le plus bas pouvant cacher le TAEG le plus élevé !
Le taux d’usure est donc le taux que le TAEG d’un crédit immobilier ne doit pas dépasser. C’est le taux au-delà duquel il est interdit de prêter, quand bien même un emprunteur serait d’accord pour signer une décharge au prêteur.
Les emprunteurs l’ignorent mais grâce au taux d’usure, les taux d’intérêt ne peuvent pas monter jusqu’au ciel ! Quand on lit partout que les taux immobiliers augmentent, ils ne le peuvent en réalité que dans une certaine mesure, limitée par le taux d’usure.
Le taux d’usure est donc un prix plafond : c’est le taux qui plafonne le prix de l’argent. Ce qui est une très bonne chose : personne ne le conteste ni demande sa suppression.
Le taux d’usure a pour mission de protéger les emprunteurs. Il les défend de la tentation de leur appliquer un taux abusif, autrement dit un taux usuraire.
Un taux usuraire est un TAEG plus élevé que le taux d’usure. Si le TAEG d’un prêt immobilier est plus cher que le taux d’usure fixé par la loi, alors le banquier devient un usurier.
Or des TAEG qui dépassent, il s’en rencontre beaucoup ces dernières semaines, si bien que pour ne pas devenir usuriers et hors-la-loi, les banques préfèrent ne plus prêter, et c’est là tout le problème.
Le taux d’usure a pour mission d’empêcher les usuriers de rentrer chez les particuliers.
Or désormais il a tout du videur à l’entrée d’une fête réservée aux clients les plus aisés !
Une banque qui n’accorde pas un prêt, c’est moins grave qu’un emprunteur qui ne l’obtient pas. Ça changera la vie du second, ça ne changera pas celle du premier.
Les plus frappés par le taux d’usure sont les primo-accédants et plus généralement les ménages les plus modestes, qui aimeraient tous sortir de leur condition de locataires.
Ces candidats à l’emprunt étant les moins dotés d’un apport personnel suffisant, aussi les moins capables d’épargner, enfin ceux dont le revenu est le moins haut et le reste à vivre le plus tendu, les banques leur appliquent leurs taux les plus élevés.
Autrement dit les taux d’intérêt qui les rapprochent le plus du couperet du taux d’usure.
La différence entre un taux nominal et un taux d’usure, c’est l’espace disponible pour loger tous les coûts induits par la souscription d’un crédit immobilier : l’assurance emprunteur, la garantie, les frais de dossier.
Le taux d’usure étant un taux plafond, plus le taux d’intérêt monte, plus la marge se réduit entre les deux pour tout inclure ! Si le TAEG du crédit immobilier crève ce plafond, ne serait-ce d’un pouce ou d’un bout d’ongle, il ne sera pas permis à la banque de prêter : le prêt sera refusé.
Prenons l’exemple de nombreux ménages percevant moins de 40 000 € par an. Ces emprunteurs seront les moins gâtés, toutes durées confondues, à cause de leur niveau de revenus. Or pour acheter, ces emprunteurs sont aussi ceux qui ont besoin du levier des durées de prêt les plus longues, lesquelles sont encore les plus chères.
Avec au-dessus un taux d’usure inflexiblement plafonné à 2.40% sur 25 ans et au-dessous un taux d’intérêt d’1,90 voire 1.95% sur cette même durée, il ne reste plus qu’un petit espace libre de 0.45 ou 0.50 pour loger le taux d’assurance, la garantie et tous les frais annexes.
L’écart est tout simplement insuffisant : à ce niveau de revenus, faire un crédit immobilier n’est quasiment plus possible, même si le taux d’endettement est bon ! Faut-il préciser qu’un revenu annuel inférieur à 40 000 €, même à deux, ça concerne beaucoup de monde ?
Les revenus supérieurs, quant à eux, échappent encore à l’obstacle réglementaire du taux d’usure, mais si ce dernier augmente peu le mois prochain, de nouvelles catégories d’emprunteurs seront touchées…
Quel sera le niveau du taux d’usure au 1er juillet prochain ? Soit il augmentera mécaniquement un peu, suivant son mode de calcul habituel, soit il sera relevé à l’appui d’une nouvelle formule.
Les courtiers en crédit ont proposé quatre solutions pour adapter le taux d’usure à la situation haussière du marché des taux immobiliers :
Mensualiser le calcul du taux d’usure permettrait de rompre avec son décalage actuel.
Pour rappel, le taux d’usure est calculé par la Banque de France à partir d’une moyenne entre les TAEG des prêts immobiliers distribués par les prêteurs durant le trimestre précédent, laquelle est surpondérée d’un tiers de sa valeur.
À partir du trimestre précédent, donc quand les taux étaient beaucoup plus bas ! D’où le déphasage avec les taux présents.
Si le mode de calcul n’est pas rapidement révisé, compte tenu de la hausse spectaculaire des dernières semaines, le prochain taux d’usure sera plus que jamais decorrélé du marché et l’éviction des emprunteurs va empirer.
Si le taux d’usure de juillet prochain, en revanche, est calculé sur les TAEG de ce mois de juin, alors de nombreuses demandes de prêt récemment refusées retrouveront un prêteur, malgré une nouvelle hausse des taux chez ce dernier.
Sortir l’assurance emprunteur du calcul du taux d’usure permettrait de libérer un espace considérable entre le taux nominal et lui pour placer les frais annexes. De fait, cette simple mesure suffirait !
Il est vrai que le taux d’une assurance de prêt n’a aucun rapport avec le taux d’inflation ni les taux immobiliers eux-mêmes. Le taux d’une assurance emprunteur est calculé sur le risque individuel que présente un emprunteur, pas sur le risque systémique d’un environnement de taux liés aux coûts de l’argent.
Cependant, sortir l’assurance emprunteur du taux d’usure impliquerait de la sortir aussi du TAEG, sans quoi il faudrait tout redéfinir : le taux d’usure comme le taux annuel effectif global lui-même.
En tout cas, si les définitions restent en l’état, le taux d’usure ne serait donc plus le taux que le TAEG ne doit pas dépasser. Faudrait-il, par exemple, distinguer de nouveau entre un TAEG et un TEG ?
Quoi qu’il en soit, évincer le taux de l’assurance emprunteur du calcul pose un autre problème qui relève cette fois de l’esprit même du taux d’usure : la protection du consommateur.
Le risque n’est-il pas, d’une part, une hausse du prix de l’assurance, celle-ci n’étant plus à loger dans l’espace qui sépare le taux d’usure du taux nominal ? Depuis l’entrée en vigueur, le 1er juin dernier, de la loi Lemoine et de la suppression du questionnaire de santé, la tentation est forte d’augmenter les primes en effet.
Le risque n’est-il pas encore, d’autre part, une hausse des frais annexes, comme les frais de dossier par exemple, dont on observe déjà l’augmentation dans les banques ces derniers mois ? La conséquence serait alors un renchérissement du coût de crédit pour l’emprunteur ainsi qu’une baisse de son budget.
Instaurer une marge minimale fixe entre le taux d’intérêt et le taux d’usure semble une idée capable de contenir les risques évoqués à l’instant.
Actuellement, c’est comme si le prêteur devait tout déduire à partir du taux d’usure pour connaître le taux d’intérêt qu’il pourra offrir aux clients ! Or à l’arrivée, s’il voit qu’il n’a plus de marge pour sa propre marge, il renonce à prêter.
Une marge fixe agirait comme un « cap ». Le taux d’usure deviendrait mobile, comme un taux capé en effet, que le TAEG ne pourrait pas dépasser. Concrètement, si un taux d’intérêt augmente, le taux d’usure augmente et inversement. Seul l’écart est fixe.
À l’intérieur de cette marge fixe seraient placés les autres coûts liés au prêt, dont l’assurance dans ce cas, mais incluant cette fois la marge du prêteur, qu’il serait libre de moduler et surtout garanti de conserver.
La première critique qui pourrait être faite à cette idée est la contradiction totale avec l’esprit du taux d’usure, qui consiste précisément à réfréner les ardeurs des prêteurs - et des assureurs (le premier et le second étant généralement le même).
C’est là qu’intervient la quatrième piste d’une indexation du taux d’usure à un taux plancher, qui agirait comme un indice de référence, sans pour autant en suivre les rebondissements. Suivre un indice mouvant serait en effet impropre à rassurer emprunteurs et prêteurs ensemble.
Appliquer un taux plancher au taux d’usure, lequel est lui-même un taux plafond appliqué aux taux d’intérêts, signifie que le taux d’usure ne pourrait pas être inférieur à un taux de référence.
Le taux de référence en question serait le taux d’inflation sur les douze derniers mois en France. Autrement dit : le taux d’usure ne pourrait plus passer sous le taux de l’inflation mesurée dans ce laps de temps.
Actuellement, le taux d’usure est très inférieur au taux d’inflation ! Concrètement, si telle était la proposition retenue par les pouvoirs publics, le taux d’usure serait aujourd’hui, arrondissons pour simplifier, de 5%.
Naturellement, la concurrence que se livrent les banques se chargerait de modérer la hausse des taux, modérée encore par la solvabilité nécessaire des emprunteurs pour faire tourner le marché immobilier.
Les taux augmenteraient plus librement cependant et on peut craindre, dans un tel scénario, une sélection plus sévère des candidats à l’emprunt. La voie serait en outre probablement trop dégagée, cette fois encore, pour augmenter les frais de souscription ainsi que les coûts d’assurance.
Les coûts d’entrée pour obtenir un crédit immobilier semblent, dans ce débat, un objectif poursuivi par les établissements financiers. Il n’est pas certain que l’intérêt des emprunteurs soit en ligne de mire au départ de ces prises d’initiatives supposées leur redonner l’accès au crédit.
Le taux d’usure doit être assoupli, au moins momentanément, parce qu’il empêche d’acheter des emprunteurs solvables, dont le taux d’endettement est pourtant souvent inférieur à la limite des 35%.
Ce qui ressort des pistes évoquées pour passer l’obstacle du taux d’usure, c’est l’idée de redonner une marge importante aux prêteurs pour décider de leurs tarifications. En somme pour décider du prix de vente de leurs crédits, alors que depuis l’institution des normes du HCSF, elles n’ont plus même l’entière liberté de décider de leurs conditions d’octroi.
Certes les banques ne seraient plus bridées par des protections trop strictes à destination des consommateurs, dont nous voyons bien qu’elles les exposent eux-mêmes à la perte d’un droit, celui de la propriété immobilière, autrement dit celui de la constitution d’un patrimoine et donc à une insécurité financière.
Mais elles seraient réprimées et leurs taux comprimés par la rivalité entre elles pour conserver leurs clients d’abord et en conquérir de nouveaux massivement. La meilleure des protections pour le portefeuille d’un consommateur, c’est cette compétition entre elles.
Une concurrence saine dont la liberté est actuellement entravée par trois problèmes : le taux d’usure, le taux d’endettement maximum de 35%, la durée de prêt maximum de 25 ans.
Une modification du calcul du taux d’usure ne résoudra nullement cet autre problème introduit par le HCSF, lequel est en réalité le vrai sujet. Nous voyons mal comment une hausse des taux, du moins en attendant une baisse des prix de vente, pourrait se passer d’un rallongement des durées de prêt ni d’un retour au pouvoir discrétionnaire des banques pour juger du niveau d’un taux d’endettement.
Une fois le problème du taux d’usure résolu, il en restera deux. Le président Emmanuel Macron considère que le marché immobilier doit se réguler seul, sans l’intervention des pouvoirs publics - sans même la présence d’un Ministère… Il veut laisser faire. Dans ce cas, en toute logique, il doit non seulement déminer le taux d’usure, mais encore supprimer les contraintes réglementaires du Haut Conseil de Stabilité Financière.
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