Crédit immobilier : Bercy bloque les prêteurs et les emprunteurs

Par Fabrice Hamon le 4 janvier 2022

Depuis le 1er janvier, limitation d’accès au crédit immobilier : 35% des revenus, taux limite pour s’endetter ; 25 ans, durée limite pour emprunter.

Je suis le ministre des finances, pas des financements !

L’année dernière ce n’était encore que des recommandations du HCSF (Haut Conseil à la Stabilité Financière), cordialement respectées par les banques. Cette année elles revêtent un caractère obligatoire et seront inscrites au Journal Officiel, ce sont des normes à appliquer drastiquement.

Les banques n’ont plus le choix : la durée d’un prêt immobilier ne pourra pas excéder 25 ans et le taux d’endettement ne devra plus excéder 35% de nos revenus, assurance de prêt incluse et tous crédits inclus.

À croire que Bercy se méfie des prêteurs et des emprunteurs.

Le HCSF a dit : fermez le banc !

Les premiers banquiers étaient assis sur des bancs ! Pas dans une belle agence bien située dans les rues passantes, mais sur le banc d’un marché, au milieu des Foires, au cœur des échanges entre commerçants. C’est ainsi qu’en Italie au Moyen-Âge on désigna ces individus des “banchiere”, qui donna banquier dans notre langue.

Mais revenons à nos ouailles, les prêteurs et les emprunteurs de 2022.

Donc on ferme le banc ! On corsète les banques et on ferme le robinet du prêt immo. Pas de crédit immobilier au-delà d’un taux d’endettement de 35% ni d’une durée de 25 ans. Telles sont les conditions d’un budget maximum, sinon aucune banque ne prêtera.

Nous sommes loin de la souplesse d’antan, quand les banques accordaient des prêts sur des durées de 30 voire 35 ans (il y eut même du 40 ans), ouvrant à beaucoup de jeunes l’accès à la propriété immobilière grâce à l’abaissement des mensualités.

“Quand on a des taux, fixes qui plus est, qui pourraient s’établir à 1,50, voire 1,70% sur 30 ans, le surcoût n’est rien en regard de la capacité d’emprunt supplémentaire des accédants", écrit Bruno Rouleau, Président de l’Apic, association de courtiers en prêt immobilier. Pourquoi ne peut-on de nouveau emprunter sur 30 ans ?

Devenir propriétaire devient un rêve très encadré. Il a été décidé de brider le désir de posséder sa maison ou son appartement. L’investissement locatif est lui aussi découragé. Il faudra revoir ses ambitions, rentrer dans les cases et montrer patte blanche.

Nous sommes loin aussi du bon vieux 33% de taux d’endettement, qui plus est hors assurance, le fameux tiers de nos revenus, qui était alors une règle non écrite, une norme tacite, un taux de référence qui avait la vertu d’être souple, pouvant être dépassé à la discrétion du prêteur, suivant le profil et le projet de l’emprunteur.

C’était l’époque de l’intuitu personae, aussi celle du bon sens : faire crédit, c’était prendre un risque mesuré et c’était faire confiance.

Encadrement inédit du crédit immobilier

Manifestement Bercy, le Ministère des Finances, dont dépend le HCSF, ne fait plus confiance aux prêteurs ni aux emprunteurs pour se mettre d’accord entre eux sur ce qu’il est possible d’acheter, ni même s’entendre sur un niveau de risque acceptable pour les deux parties.

C’est du jamais vu !

Un crédit immobilier a toujours été un compromis entre ce qu’on veut et ce qu’on peut ; une offre de prêt immobilier est un contrat, objet d’une libre discussion, étayée par des preuves de solvabilité, entre un emprunteur et un prêteur.

Le prêteur connaît ses propres limites et l’emprunteur connaît ses propres moyens, dans le cadre de son train de vie. Aucun des deux ne se mettra en difficulté et si tel était le cas, le devoir de conseil du banquier lui impose de refuser le prêt.

Un banquier ne fait pas n’importe quoi. Un particulier a le droit de lui demander un prêt que le banquier a le droit de lui accorder ou de lui refuser. Ils en parlent ensemble, jugent ensemble de la situation, discutent des conditions, s’entendent ou pas.

Surtout une limite existait déjà : le taux d’usure, plafond suffisant pour protéger les prêteurs et les emprunteurs. Rappelons enfin qu’avant de retoquer un candidat, le banquier ou le courtier immobilier font des recommandations. Une baisse du prix est-elle possible, pouvez-vous augmenter votre apport ? Entre autres issues possibles pour délivrer le sésame du financement.

Finalement, le HCSF affaiblit la relation client.

Un crédit immobilier, c’est un endettement patrimonial

Plus fondamentalement, ces nouvelles règles indiscutables limitent le droit de disposer de mon propre argent.

Je juge que mon train de vie et mon reste à vivre, c’est-à-dire la somme d’argent qui me reste tous les mois une fois mes charges payées, me permettent d’en allouer une partie au remboursement d’un bien immobilier. Je me connais et je m’en sens capable. Je peux et je veux m’acquitter de cet effort financier, parce que c’est pour moi une forme d’épargne. Je vais le démontrer à la banque qui à son tour, mes éléments en main, en jugera.

Le banquier va vouloir me connaître mieux. Il veut s’assurer que ma demande n’est pas trop audacieuse. Il me demande mes papiers. Il ne veut pas prendre le risque d’un non remboursement de l’argent qu’il m’a prêté, ni celui de mon surendettement. Pour mon dossier, j’ai demandé un prêt sur 25 ans mais je suis à 40% de taux d’endettement - autrement et plus justement appelé taux d’effort. Cependant tout est au vert, mon comportement bancaire est rassurant, mon passé parle pour moi, tout cela le banquier le voit.

Pourquoi ne peut-il plus décider de me financer dans ces conditions qui au regard de ma façon de gérer mes revenus, mes crédits et mes comptes, sont plus que raisonnables ? Mon banquier est convaincu que me financer ne présente aucun risque ni pour lui ni pour moi. Seulement le HCSF, qui ne me connaît pas, prétend que mon achat n’est pas viable. Le banquier, s’il me suit, sera sanctionné. Il me perd par la même occasion comme client, en vérité bien injustement, parce que je me sens empêché de me constituer du patrimoine.

On n’achète pas un bien immobilier pour se loger. Pour se loger on peut louer. Être hébergé gratuitement, par exemple chez ses parents, c’est encore être logé. On n’achète pas non plus un bien immobilier pour être chez soi. Un locataire est chez lui également, son propriétaire ne pouvant y entrer ni l’en sortir à volonté.

On achète un bien immobilier pour être propriétaire. Pour sa propre sécurité financière. D’abord parce que ce bien que je rembourse a une valeur. Ensuite parce que mes mensualités, contrairement aux loyers, se termineront un jour. Une sacrée charge en moins pour le propriétaire !

Je m’endette pour me constituer du patrimoine. L’immobilier est le placement par excellence comme on dit, et on dit bien. Quand je rembourse, j’épargne. C’est un remboursement garanti par la pierre, un crédit hypothécaire. Un prêt immobilier c’est comme une épargne forcée, c’est comme un placement pour sa retraite.

Quand j’emprunte pour habiter, j’augmente la valeur de mon capital : je rembourse intérêts et capital à la banque en même temps que je capitalise pour moi-même, je m’enrichis. Quand j’emprunte pour investir, je couvre une partie de mes mensualités par des revenus locatifs, je loge quelqu’un qui concourt au remboursement de mon crédit, j’en assume les frais parce que je me bâtis un foncier solide qui m’assure de futurs revenus pour mes vieux jours. N’est-ce pas raisonnable ?

Mettre de l’argent dans un bien immobilier, c’est mettre de l’argent de côté tous les mois pendant des années. Pourquoi limiter ce droit de s’enrichir à crédit grâce à l’immobilier ? De profiter des taux bas et du levier de l’endettement pour se constituer du patrimoine ? De s’offrir un bien un peu plus grand ou mieux placé qui nous plaisait davantage, quitte à atteindre un ratio d’endettement bien pesé de 39%, alors que le banquier, après étude de nos capacités, était prêt à nous financer, sans nous mettre en danger ?

En limitant le taux d’endettement et la durée du prêt, c’est le choix immobilier qui est limité. C’est aussi l’enrichissement personnel grâce à la pierre qui est freiné. C’est la liberté elle-même de gérer nos propres deniers, de les placer et de les déplacer comme bon nous semble, qui est bornée. En limitant le crédit immobilier, on limite la constitution d’un patrimoine.

Les crédits conso rognent votre budget immobilier

Le taux d’endettement maximal du HCSF inclut les crédits à la consommation. Tous les crédits : immo, auto, travaux, aménagement, ameublement, équipement ménager, etc.

Si nous sommes déjà endettés, ces mensualités sont autant de ressources en moins pour un projet immobilier. Soit nous pouvons les solder, soit nous ne pouvons pas.

Or au même moment, le robinet du crédit conso coule à flot ! L’argent tombe du ciel et c’est une pluie torrentielle. Il n’est subitement plus question de protéger le consommateur. Tous les risques sont permis : à lui seul, le nouvel Achetez maintenant Payez plus tard (BNPL - Buy Now Pay Later) est une offre innovante de paiement fractionné qui va faire de gros dégâts.

Première conséquence : la limitation encore aggravée du budget immobilier - dans un contexte de prix immobiliers qui augmentent de 5 à 10% selon les communes partout en France.

Souvenons nous qu’à une époque, un banquier pouvait lisser un crédit conso dans un crédit immo pour augmenter le budget de son client… Montage introuvable aujourd’hui.

Parce que tous ces petits crédits faciles, ça grignote le pouvoir d’achat. C’est le goute à goute des petits prêts qui à petits bruits se cumulent et réduisent comme peau de chagrin la capacité d’emprunter pour être propriétaire d’un ou plusieurs biens immobiliers.

Notre nouveau budget immobilier dépend donc de l’ensemble de nos crédits en cours. Nous pourrions estimer cette position raisonnable, mais comble de l’absurdité : un crédit à la consommation peut empêcher de souscrire un crédit immobilier alors qu’un crédit immobilier n’empêchera pas de souscrire un crédit à la consommation.

Si nous consacrons 10% de nos revenus au remboursement de divers biens de consommation, nous ne pouvons plus allouer que 25% de nos revenus au remboursement d’un bien immobilier. Mais si nous consacrons toute notre capacité d’endettement au remboursement d’un bien immobilier, soit 35% de nos revenus, nous pourrons encore nous endetter à volonté, à la condition que ce ne soit plus pour de l’immobilier…

Une cigale ne peut devenir fourmi, mais une fourmi peut devenir cigale. La menace du surendettement des ménages pointe donc toujours, malgré les restrictions appliquées d’autorité à l’endettement patrimonial. Le HCSF veut un “octroi prudent de crédit à l’habitat”. L’octroi imprudent des crédits à la consommation a dû échapper au ministère de nos finances.

Hausse des prix - Hausse des taux

Le budget immobilier diminue tandis que les prix immobiliers augmentent.

Hausse des prix, limitation du taux d’endettement, limitation de durée, limitation du budget demain encore par la hausse des taux, c’est un véritable étau !

Un étau d’autant plus inquiétant que la France a besoin de logements. Pour pouvoir les construire, il faut pouvoir les vendre. Pour les vendre il faut des acheteurs et pour avoir des acheteurs il faut du financement ! Un financement devenu moins accessible à cause de conditions moins souples, alors que de nouvelles normes énergétiques vont faire grimper les prix des logements neufs dès cette année, compliquant encore l’investissement dans une résidence locative, comme l’acquisition d’une résidence principale.

Partout on ne parle que d’inclusion financière, d’élargissement de l’accès au crédit, autrement dit à l’argent. Dans le même temps on limite le levier du crédit immobilier et ce faisant on exclut un grand nombre d’investisseurs et de primo-accédants. Quant à ceux qui pourront encore en profiter, ils sont de toute façon eux aussi rationnés.

La décision du HCSF est inopportune et pire, c’est une bombe à retardement. En voulant prévenir le surendettement, c’est l’endettement patrimonial qui va reculer. C’est la construction de maisons et d’immeubles elle-même qui va rentrer en crise.

C’est aussi une décision anachronique. Elle exclut de la propriété immobilière d’innombrables acquéreurs potentiels, des gens très sérieux et très fiables désireux de posséder un bien, qui auraient pu prétendre à l’achat pour peu qu’on fasse confiance à l’intelligence humaine des conseillers, à la personnalisation de plus en plus pointue de l’intelligence artificielle, à l’intelligence des emprunteurs eux-mêmes.

Tout un système de scoring humain et technologique qui forme un ensemble de rationalité et de responsabilité capable d’ouvrir les vannes du crédit immobilier en toute sécurité.

Pourquoi limiter l’accès au crédit immobilier alors que nous n’avons jamais été aussi aidés pour décider de l’octroyer à un plus grand nombre ? Au lieu d’exclure en durcissant les conditions, incluez massivement en encourageant l’innovation : ouvrons plus largement l’accès à la propriété en imaginant de nouvelles solutions de financement.

Créons de nouveaux prêts immobiliers !

« On s’adapte ! »

En limitant le crédit immobilier, on limite l’endettement patrimonial. Mais trêve de polémique puisque nous n’avons pas le choix.

« Alors on s’adapte », comme disait Jean-Pierre Bacri dans Le sens de la fête.

Le chatbot Hypo intègre déjà les normes du HCSF. Il vous fera une simulation de crédit immobilier en ligne sur une durée maxi de 25 ans - pas sur 27 ans, la supposée souplesse de 2 ans dans l’immobilier neuf, pour les ventes en état futur d’achèvement, n’étant en réalité qu’une période de préfinancement, pas une prolongation de la durée d’amortissement.

Hypo ne dépassera pas non plus 35% de vos revenus, tous crédits inclus, immo et conso ensemble. Si vous avez une capacité de remboursement de 1000 € par mois et que vous remboursez déjà 200 € pour une voiture, le chatbot vous calculera donc un budget immobilier pour une mensualité de 800 € maximum. Pas 801, 800 ! Et 800 € assurance incluse, l’assurance de prêt étant incluse elle aussi dans les 35%.

Hypo se charge aussi de négocier l’assurance emprunteur et c’est capital. Une économie devenue très sensible dès lors que tout est réuni pour rogner le plus possible votre budget immo. Plus que jamais, payer moins cher l’assurance du crédit, c’est augmenter son emprunt lui-même.

Enfin quand on y pense, 25 ans ça signifie une fin de prêt en 2047 pour ceux d’entre nous qui achèteront cette année… Limitons donc aussi le coût du crédit : c’est le boulot du courtier immobilier, Hypo par exemple !!

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